
Notre-Dame-des-Landes : un livre pour comprendre 50 ans de luttes
31 octobre 2017 Publié par François de Beaulieu
À l’approche d’un verdict, dont on peut espérer qu’il reposera sur une vraie confrontation des arguments, les pro-aéroport se crispent. Leurs attaques contre Nicolas Hulot et les médiateurs oublient l’essentiel : presque un demi-siècle d’une lutte exemplaire racontée dans un ouvrage qui permet de mesurer le chemin parcouru et de penser l’avenir.
Dernière ligne droite tendue pour les médiateurs du gouvernement dans le dossier Notre-Dame-des-Landes. Le lobby pro-aéroport tire à boulets rouges sur la mission mise en place par le Premier ministre et Nicolas Hulot. « Une farce », n’a pas hésité à proclamer Philippe Grosvalet, président socialiste du conseil départemental de Loire-Atlantique.
L’objet de cette colère ? La mission a remis sur la table l’hypothèse du maintien de l’aéroport nantais sur le site actuel. Depuis juin, de réunion en réunion, les élus anti-aéroport et l’Atelier citoyen croisent le fer avec la Direction de l’aviation civile (DGAC). Les opposants viennent de lever 24 000 euros afin de financer des études à opposer à celles de la DGAC. « Cette dernière ne lâche rien », confie un participant.
Mais, trop c’est trop, pour les pro-aéroport qui croient percevoir dans ces études comme la préparation à un renoncement au projet. D’où l’offensive. Elle vise à décrédibiliser les médiateurs et derrière eux, Nicolas Hulot, désigné par anticipation comme le grand responsable d’un possible échec du transfert dans le bocage.
C’est pourtant une vision bien réductrice du dossier, doublée d’une inquiétante amnésie. En réalité, si les pistes et les installations n’ont toujours pas recouvert le bocage, c’est que dès les années 1970, le projet s’est heurté à des paysans déjà mobilisés pour la défense de la terre outil de travail, acteurs ou solidaires d’autres luttes comme celles du Larzac ou de Plogoff. Qu’en 2012, une grève de la faim de 28 jours a rendu les recours juridiques suspensifs. Que la lutte s’est renforcée, élargie avec l’arrivée de citoyens, d’élus, de pilotes de ligne, de squatteurs anticapitalistes. Que le travail des naturalistes a contribué à faire connaître la grande richesse du territoire. Que la plus vieille lutte environnementale de France reste capable de mobiliser rapidement des dizaines de milliers de personnes…
Une aventure humaine
Au moment où une nouvelle étape pourrait s’ouvrir à Notre-Dame-des-Landes, il s’avère indispensable d’avoir en mémoire les grands moments d’un combat de presque un demi-siècle.
Pour cela, on dispose d’un nouveau document. Anciens journalistes ayant suivi le dossier pour Ouest-France, Marc Le Duc et Jocelyne Rat en connaissent tous les éléments et, surtout, les acteurs. Le livre qu’ils publient s’intitule d’ailleurs Retour à Notre-Dame-des-Landes – Portraits et reportages. Après avoir assuré avec rigueur leur mission d’information en donnant la parole à tous, ils peuvent aujourd’hui rendre hommage aux paysans courageux sans qui il n’y aurait jamais eu de zone à défendre. Le livre est d’ailleurs dédié au regretté Michel Tarin dont on n’a pas oublié la grève de la faim.
De remarquables photographies viennent à l’appui d’un récit toujours vivant et précis. Pour ceux qui ont eu la chance de vivre ces années exceptionnelles, comme pour tous les autres, ce livre a surtout le mérite de faire ressentir l’incroyable richesse humaine qui s’est déployée là.
Si les auteurs ne manquent pas d’éléments pour restituer la chronologie et dénoncer les trucages des partisans du projet d’aéroport, les études orientées de la DGAC, ils ont surtout le mérite de faire vivre de l’intérieur tous les temps forts de la lutte, les déceptions comme les victoires, les initiatives imprévisibles et la formidable capacité à rassembler. Le récit donne une idée très concrète de ce que l’on nomme « l’intelligence collective ». Il faudra avoir cette longue histoire en mémoire pour inventer un avenir digne de la lutte menée.
Retour à Notre-Dame-des-Landes, par Marc Le Duc et Jocelyne Rat, 176 pages, 17 euros.
Le Temps éditeur. 02 40 82 18 60 ou 06 29 47 23 59-tierijamet@gmail.com
